En unique descendante des Sentii, la belle et intrigante plébéienne a du accepter bien des désagréments pour voir sa gens hissée à un tel prestige à travers son mariage précoce avec Publius Decius Mus, de vingt ans son aîné. Aux yeux de l'habile politicien, elle n'est qu'une seconde épouse destinée à lui apporter dot et engeance, à bien des égards décevante par son manque de ferveur aux choses du culte et à son sentimentalisme presque enfantin, dénué de tout pragmatisme. Alors qu'elle cherche sans relâche à satisfaire son époux de toutes les façons possibles et à rafler un peu d'amour au passage, elle n'a fait que se heurter à un mur de briques, à un mari stoïque et glacial, dont les caresses, trop peu nombreuses, réussissent à peine à donner à la pauvre Sentia une vague impression de satisfaction, de gratitude, d'amour nuptial. Mais voilà que les augures lui deviennent favorables alors qu'elle apprend, par le biais des oracles, que certaines femmes peuvent être dotées de visions, possédées par l'esprit des dieux pendant un instant, l'espace d'une crise de convulsions qui laisse les possédées nauséeuses, frissonnantes,  mais, surtout, bénies. À partir de ce moment, Sentia feinte des crises de possession où elle est soi-disant investie des paroles divines, ce qui lui confère une reconnaissance sans bornes auprès d'un mari qui s'était toujours fait distant et indifférent. Et la matrone Sentia, investie de ses nouveaux pouvoirs, prétend être le héraut des dieux, s'enorgueillit du pouvoir qu'elle est maintenant en droit d'exercer sur les affaires familiales avec une arrogance et une prétention qui en laissent peu indifférents. Si elle soutient toujours les entreprises risquées de son mari, elle n'hésite plus à se servir de son stratagème à outrance pour le détourner ou le pousser vers certains projets, dans le but avoué de servir ses intérêts et ceux de ses enfants préférés. Puisque si Sentia est une mère autoritaire et aimante, elle n'en demeure pas moins pétrie de jalousie et de crainte face à l'esprit dévoyé de son fils Sextus et celui, inventif et dangereux, de sa fille cadette, Decia Rutilia.

Premier fils des Decii, Sextus est sans conteste celui à qui Publius ne confierait jamais le leg familial. Peu fiable, sournois, menteur, il brille d'une intelligence qui effraie le tribun, se complaît dans l'égoïsme et la témérité, gonflé d'orgueil par ses prouesses militaires et sa langue bien acérée. Ayant servi dans l'armée romaine, Sextus s'est rapidement illustré par son esprit de stratège et ses idées audacieuses sur le champ de bataille qui ont valu à l'armée romaine de nombreuses victoires éclatantes, quoique cruelles et vindicatives. Lors de son retour à Rome, Sextus s'est aussitôt opposé aux idées dévotes de son père de façon éclatante, mais n'a récolté que l'opprobre paternelle, à la limite de l'exhérédation. Forcé de se taire pour éviter d'être renié et déshérité par son père, le fils aîné des Decii se mure dans le silence, préférant s'allier aux opposants de son père en secret et comploter contre lui afin de l'évincer le plus rapidement possible. Mais voilà qu'à Capoue les choses s'enveniment et que Publius devient tribun de la plèbe, un poste que briguait également Sextus, plus jeune et meilleur orateur. Rongé par la colère et le désir de se venger de cette défaite, il rumine avec sa jeune soeur, Decia Rutilia, des plans pour être introduit auprès des autres familles influentes de Capoue afin de fomenter une conjuration en bonne et due forme. D'abord allié aux jumeaux Sulla, évincés par Publius, Sextus est de nouveau à la recherche d'alliances prometteuses. Mais aussi motivé que peut être Sextus dans son entreprise de vengeance et de complot, il n'en demeure pas moins un mortel aisément corruptible qu'Éris lorgne avec colère, bien décidée à le mettre hors course pour éviter qu'il ne se mette entre elle et sa marionnette, Publius. Toutefois, la déesse s'amuse à le harceler et à le haranguer pour le pousser à joindre sa cause, plus insidieuse et cruelle de jours en jours avec ce némésis qu'elle convoite sans tarir d'avidité. Puisque pour Discorde, rien ne vaudrait la corruption d'une âme qui semble lui échapper avec autant d'efficacité...

Vil serpent, Cnaeus ondoie dans les eaux politiques avec autant d'adresse qu'une naïade. Et même s'il est le plus jeune fils de Publius, il est celui qui bénéficie de la reconnaissance de son père, celui qui le suit comme son ombre pour apprendre à manipuler les gens comme le fait le tribun. Enfant sans cesse torturé par les dieux, il a eu un passé difficile. Brûlé à la main gauche lors de l'incendie d'un lupanar qu'il fréquentait à Rome (d'où son surnom de Laevinius), piètre soldat malmené par ses supérieurs pour son manque de force physique et d'adresse au combat, incapable d'engendrer des enfants avec son épouse (décédée des suites d'une maladie il y a trois ans), Cnaeus n'était pas destiné à briller aux yeux de son géniteur. Toutefois, son intelligence, sa patience proverbiale, sa ruse et son charisme hors norme en ont fait un bras droit tout désigné par les dieux pour servir la cause de Publius. Aujourd'hui, Cnaeus ne se soucie ni de sa faiblesse physique ni de son indigence et profite de chaque occasion qui lui est donnée pour faire fonctionner son intelligence de stratège politique, talent que lui a toujours reconnu son père. Et même s'il se targue d'être devenu le plus puissant enfant des Decii, il n'en demeure pas moins miné par une obsession qui sape sa nouvelle image d'homme de pouvoir : sa jeune sœur, Decia Rutilia. Convaincu qu'elle possède les mêmes dons intellectuels que lui, il tente de se rapprocher d'elle par tous les moyens, mais demeure, aux yeux de la jeune femme, un lâche, une pâle copie de Publius tout juste capable de lui lécher les bottes. Et le plébéien sombre chaque jour dans une démence plus importante, harangué par l'obsession que Decia est devenue pour lui. S'il l'aime plus que tout, la considérant comme sa jumelle (étant donné les seize mois qui séparent leur naissance), il souhaite également la briser, la soumettre à sa domination, à sa suprématie. La langue acérée de la jeune femme le rappelle toujours à l'ordre et il sait éperdument qu'elle lui préfère l'aîné, Sextus, ce qui nourrit la jalousie et l'envie qu'il ressent à l'encontre de son frère aîné. Mais Cnaeus n'est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds et à faire des quartiers. Il n'hésitera pas à faire déshériter son frère, voire à l'évincer de l'échiquier de façon permanente...

La plus jeune des enfants Decii. Alors qu'elle devrait se complaire dans l’insouciance de la jeunesse, la belle Decia est plutôt une jeune femme désenchantée, cynique et complètement désillusionnée. Consciente du jeu politique qui tisse sa vie comme on tisse une toile d'araignée, la cadette a choisi d'y participer plutôt que d'être contrainte par ses aléas. Enfant dotée d'une intelligence hors du commun, elle est aussi perspicace et calculatrice, n'utilisant son charisme et ses paroles bien placées que lorsqu'il est nécessaire de le faire. Résolument opposée à la tyrannie de son père, elle s'est ralliée rapidement à son frère Sextus pour saper les efforts de Publius. Elle ne sait que trop bien que son géniteur n'emploie pas ses pouvoirs pour le bien du peuple, mais plutôt pour satisfaire ses intérêts et mettre en place une politique inquisitoriale sévère et despotique. Désireuse de servir une cause plus grande qu'elle (elle est résolument idéaliste), Decia s'empêtre dans les jeux de l'ombre et n'hésite pas à mettre sa réputation, voire sa vie, en danger pour parvenir à ses fins. Mais elle sait qu'elle est surveillée par son frère Cnaeus et détestée par sa mère, ce qui réduit considérablement sa marge de manœuvre. Afin de saper ses efforts, sa mère Sentia tente par tous les moyens de la marier à une famille favorable à la tyrannie de Publius, pour l'éloigner des affaires familiales, mais l'indomptable Decia s'y oppose farouchement, encore capable d'amadouer son père par des paroles apaisantes et bien placées. Mais le charisme de Decia a ses limites : que se passera-t-il lorsque Publius apprendra que sa fille cadette manœuvre en coulisse pour sa défection ?